Le plurilinguisme pour favoriser une ouverture sur la richesse des différentes cultures

La pluralité du plurilinguisme, élément utile pour favoriser une ouverture sur la pluralité des cultures

Il plurilinguismo è un fenomeno molteplice, utile per favorire l’apertura verso la pluralità culturale, pur senza penalizzare l’individualità di ciascuno. Tuttavia, è spesso sottovalutato.

Le plurilinguisme pourrait être un élément utile pour favoriser une ouverture sur la pluralité des cultures sans pour cela pénaliser le concept d’identité, mais malheureusement il est souvent sous-estimé sinon ignoré.

Le plurilinguisme, qu’est-ce que c’est ? Le CNRTL(1) le définit assez clairement en parlant d’une personne « qui, à l'intérieur d'une communauté, utilise plusieurs langues selon le type de communication (relations avec la famille, avec l'administration, relations sociales, etc.) ». Pour illustrer ce concept nous pouvons prendre l’exemple d’un pays francophone plurilingue comme la Belgique et plus précisément encore de sa capitale Bruxelles. Historiquement, c’était une ville néerlandophone mais quand au 19ème siècle la Belgique devient indépendante, c’est le français qui est choisi comme langue officielle. Le français s’instaure dorénavant dans la vie publique, la vie administrative et la vie sociale. Plus tard, la Belgique est découpée en régions linguistiques et Bruxelles devient alors bilingue. Cependant, le français y est plus parlé que le flamand. Prenons alors l’exemple d’une famille d’origine linguistique flamande. Toute la famille parle le flamand à la maison, la mère qui travaille à la Commission européenne parle en anglais au travail et communique en français lorsqu’elle va chez le médecin, à la poste ou suit son cours de yoga. Elle est alors en totale situation de plurilinguisme.
Mais le plurilinguisme existe aussi dans des états monolingues, prenons l’exemple d’un professeur d’italien qui va enseigner en France avec sa compagne russe. Il sera alors pleinement en situation de plurilinguisme car il parlera italien dans son contexte professionnel, il parlera français dans son contexte social, administratif et quotidien (autant pour aller faire les courses que pour aller s’inscrire aux impôts ou pour simplement aller boire un verre avec ses collègues) et enfin, il continuera de parler le russe dans son contexte privé et familial.

Nous allons maintenant voir comment le Conseil de l’Europe conçoit ce concept de plurilinguisme. Pour commencer il faut savoir que c’est en 1996, dans une des premières versions du CECR(2), qu’apparaissent pour la première fois les notions de plurilinguisme/ pluriculturalisme et de compétences partielles (Conseil de l’Europe, 2018, 28).
En 2001, lors de la sortie officielle du CECRL, on découvre le concept d’une éducation plurilingue et interculturelle. Il ne s’agit plus simplement d’enseigner et d’apprendre une langue étrangère mais de construire une identité commune des citoyens européens.

Six ans après la création du CECRL, où le plurilinguisme était défini ainsi:

On désignera par compétence plurilingue et pluriculturelle, la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considérera qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes, mais bien existence d’une compétence complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser (Conseil de l’Europe 2001, p. 129).

Le Conseil de l’Europe publie un guide pour l’élaboration des politiques linguistiques en Europe. Il y définit alors le plurilinguisme comme le répertoire de langues que possède un individu, comportant sa « langue maternelle » ou « langue première » (L1) ainsi que toutes les autres langues acquises au cours de sa vie peu importe le niveau atteint. Il peut s’agir d’une langue «nationale» normée et acquise à l’écrit et à l’oral dans le système éducatif, tout comme d’une langue régionale ou minoritaire, parlée et écrite aussi bien que la langue nationale, ou bien encore d’une variété de langue parlée selon les normes d’une région. La capacité de parler et d’écrire une langue étrangère ou bien encore la seule compréhension d’une langue, qui n’est pas forcément pratiquée, qui a été apprise à un niveau élémentaire (à l’école ou individuellement) font aussi partie du répertoire langagier définissant le plurilinguisme (Conseil de l’Europe, 2007, p.8).

Le plurilinguisme est donc pluriel. En Europe, il est au centre des politiques linguistiques. Un européen parlant, écrivant ou simplement comprenant plusieurs langues est une personne mobile qui accroît ses débouchés professionnels et économiques.
Force est de constater que le plurilinguisme évolue toute la vie durant, en effet, tout locuteur peut acquérir de nouvelles langues, tout comme il peut aussi en oublier.

Si l’on trouve de nombreuses définitions du concept de plurilinguisme, il est plus difficile de définir ce qu’il englobe, soit, la didactique du plurilinguisme. En effet, la didactique du plurilinguisme n’est ou ne devrait pas être la didactique des langues (maternelle ou étrangère). Dans son ouvrage (Gajo : 2006), Gajo explique que la didactique du plurilinguisme s’appuie sur 3 caractéristiques :

  • la didactisation du contact de langues : étant naturellement en contact, socialement ou lors d’un processus d’apprentissage d’une L2, il est nécessaire de prendre en compte ce contact lors de l’enseignement.
  • le bi-plurilinguisme comme but et comme moyen: connaître plusieurs langues n’est plus essentiellement un but, cela reste fondamental mais cela est aussi une compétence en construction.
  • prise en compte de la L2 comme langue d’enseignement : la L2 reste une matière enseignée mais elle intervient aussi comme langue d’enseignement d’autres disciplines.

En France, il n’y a qu’une seule langue officielle, mais nous savons d’ores et déjà que le plurilinguisme y est bien présent. Pour bien comprendre l’état du plurilinguisme en France, les chercheuses en démographie de l’Ined(3), S. Cordon et C. Régnard, nous informent (2010, 31). Selon elles, le plurilinguisme se définit comme « deux langues ou plus, citées parmi les langues reçues des parents ».
Comme on pouvait s’en douter, en France, le plurilinguisme est fort présent chez les immigrés venant de pays où coexistent déjà de nombreux dialectes (en Afrique subsaharienne, par exemple) et plusieurs langues.

Sans nul doute, nous pouvons établir un parallèle entre ces pays et l’ancienne présence administrative de la France dans ces derniers. La langue française y était alors utilisée, enseignée et transmise. Cependant, le plurilinguisme aujourd’hui présent en France provient aussi de communautés étrangères non plurilingues dans leur pays d’origine (immigrés portugais, par exemple). Pour elles, le plurilinguisme est apparu une fois arrivées en France, lors de l’insertion au niveau professionnel pour la première génération et aussi au niveau scolaire pour les générations suivantes. Finalement, n’oublions pas le plurilinguisme largement présent dans les Départements et Régions d’Outre-Mer, ce dernier s’explique par la présence du français en tant que langue officielle, comme langue de l’administration, et d’autres langues dites vernaculaires, comme le créole par exemple, c’est-à-dire des langues utilisées dans une communauté linguistique spécifique pour la communication courante et quotidienne.

Pour terminer, il est intéressant de découvrir les travaux de la linguiste N. Auger. Afin de mieux connaître l’état du plurilinguisme en classe, elle a complété ses recherches avec des enquêtes auprès des enseignants d’école primaire et secondaire en France. Elle déclare qu’ « Il ressort de nos enquêtes que la conception de l’élève bi-/plurilingue n’est positive que si, d’une part les langues sont enseignées/apportées par l’école (rarement si elles sont pratiquées en dehors, dans la famille par exemple) et si, d’autre part, l’élève a de bons résultats académiques. » En fonction des langues contenues dans le répertoire linguistique et de leur provenance, le plurilinguisme est donc plus ou moins bien vu. Pour continuer, Auger explique que dans les classes comprenant des élèves nouveaux arrivants, c’est-à-dire des élèves d’origine étrangère nouvellement installés en France, la diversité des langues maternelles de tous les élèves devrait être appréhendée comme un atout, elles pourraient être mises à profit et servir de ressources pour les apprentissages. En effet, « le plurilinguisme n’est plus un choix mais une réalité de la classe». Par ailleurs, en valorisant et encourageant les élèves à utiliser leur L1 en classe ou encore en pratiquant des langues non plus seulement comme une matière enseignée mais pour enseigner d’autres matières, les disciplines se croisent, les compétences sont alors plus que jamais transversales et comme le dit Auger : « En s’engageant dans cette démarche, les enseignants peuvent alors devenir un corps professionnel coopératif pour encourager la démocratie, la citoyenneté, la cohésion sociale, le respect et la compréhension mutuelle ainsi que le développement des identités multiples. »

Le plurilinguisme existe et est déjà présent dans les classes. De nombreux didacticiens et praticiens sont en train de développer des projets pour le valoriser, on compte déjà parmi ces projets l’éveil aux langues qui intervient dès les premières années de scolarisation. Ces projets, encore ponctuels pour le moment, feront-ils une percée dans les années à venir ?

(1) Centre national de ressources textuelles et lexicales
(2) Cadre européen commun de référence pour les langues
(3) Institut national d’études démographiques

Bibliographie

  • Auger, N. (2009). Les travaux du conseil de l’Europe, un levier pour la diversité linguistique. Le français aujourd'hui, 164(1), 45-51
  • Candelier, C. (2008). Approches plurielles, didactiques du plurilinguisme, le même et l’autre. Les Cahiers de l'Acedle, vol. 5, n° 1 p. 75
  • Conseil de l’Europe (2001). Cadre Commun de Référence pour les Langues: Apprendre, Enseigner, Évaluer. Paris, France: Didier
  • Conseil de l’Europe (2007). Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques en Europe
  • Conseil de l’Europe (2018)
  • Cordon, S. et Régnard, C. (2010) Diversité des pratiques linguistiques. Dans Beauchemin, C. , Hamel, C. & Simon, O. (2010). Trajectoire et origine: enquête sur la diversité des populations en France, Premiers résultats. Document de travail 168. Aubervilliers, France
  • Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
  • Gajo, L. (2006). L'intercompréhension entre didactique intégrée et enseignement bilingue. Les Actes du Colloque L’intercompréhension entre langues voisines, Genève

Referenze iconografiche: Lonely Walker / Shutterstock

Manuela Vico

A enseigné dans différents lycées (lycée linguistique, classique, agricole et commercial). De plus elle a tenu des cours pour adultes et étudiants de la «Scuola di Amministrazione Aziendale» de Turin où elle était également responsable de l’organisation des stages en France. Elle a été aussi chargée des cours de français à la Faculté d’Économie et Commerce. Elle est parmi les membres fondateurs de l’Alliance française de Cuneo, dont elle est la présidente. Elle est formatrice et collabore avec la maison d’édition Sanoma Italie. Elle est co-auteure de manuels scolaires, parmi lesquels Quelle chance et Objectif Esabac, et de Histoire de France en poche publiés par LANG Edizioni. Elle est journaliste.