Les droits de douane, un feuilleton à rebondissements

Depuis avril 2025, la politique commerciale de Donald Trump a un impact non négligeable sur les perspectives économiques mondiales

Moins de trois mois après son arrivée au pouvoir, Donald Trump, élu pour un second mandat, domine l’actualité internationale en instaurant des droits de douane supplémentaires, une arme économique de poids mais pas que...

Est-il nécessaire de rappeler que les droits de douane sont une taxe appliquée par un pays sur les produits achetés à l’étranger ? Leur but est de générer des recettes ou d’avantager un produit national par rapport au produit importé en augmentant son prix1.

Bien qu’il n’y ait pas de règles formelles fixant les droits de douane d’un pays à l’autre, le « gendarme du commerce mondial », c’est l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Elle a pour mission d’assurer l’ouverture du commerce dans l’intérêt de tous et de résoudre les conflits commerciaux2. En général, ses 166 pays membres s’entendent pour adapter les droits de douanes à leur niveau de développement. Avant les annonces de Donald Trump d’avril 2025, les droits de douane appliqués par l’UE sur ses importations étaient en moyenne de 2,2%, le taux des États-Unis pour leurs importations était à peu près similaire. En revanche, les droits de douane appliqués par les pays en développement étaient largement supérieurs afin de protéger leur propre industrie.

Ce qui suit est un véritable feuilleton. Le 2 avril 2025, les États-Unis décident d’appliquer des droits de douane additionnels dits « réciproques » à quelques-uns de leurs partenaires commerciaux. Donald Trump justifie sa décision en accusant ces pays d’imposer des taxes à l’importation beaucoup trop élevées sur les produits américains. Pour l’UE, il fixe ces droits de douane à 20%. Le 9 avril, ces derniers sont suspendus mais un droit additionnel de 10% est appliqué. Le 11 juillet, le taux est fixé à 30% applicable à partir du 1er août.

Avec une telle décision, le but de Donald Trump était de conclure des accords commerciaux beaucoup plus avantageux pour son pays afin de combler son déficit commercial. Or, si les petits pays ont peu de marge de négociation s’ils veulent écouler leurs marchandises auprès des États-Unis, ce n’est pas le cas de tous. L’UE s’est révélé un partenaire de négociation plus difficile à manœuvrer en raison de son importance en termes de population. Elle a répliqué le 24 juillet en instaurant une série de contre-mesures applicables à partir du 7 août, notamment l’imposition de droits de douane additionnels atteignant 30% sur une série de biens importés des États-Unis. La réaction de Trump ne s’est pas fait attendre : le 27 juillet une négociation a eu lieu et un droit réciproque de 15% a été finalisé entre l’UE et les États-Unis, remplaçant les taux précédents, tandis que des droits additionnels ont été maintenus dans certains secteurs (automobile notamment) à l’avantage des États-Unis.

Cependant les droits de douane ont aussi des implications géopolitiques. Rappelons ici la définition donnée par Yves Lacoste, spécialiste dans ce domaine : « la géopolitique s’intéresse aux rivalités de pouvoirs dans le but d’obtenir la souveraineté ou l’influence sur un territoire. Il s’agit donc aussi d’une question de rapport de forces, conquérir ou défendre un espace déterminé3 ». Les droits de douane sont donc aussi une arme géopolitique, puisqu’ils ont le pouvoir de renforcer le pouvoir d’un pays, d’affaiblir ses rivaux et de modifier les équilibres mondiaux. Le rapport de l’Assemblée générale des Nations Unies du 28 juillet 2025 confirme ce dernier point : il rappelle que le commerce international a été jusqu’à présent à la base de la croissance économique mondiale car il s’appuie sur des règles stables et qu’il constitue un moteur essentiel de la croissance économique pour de nombreux pays en développement. Il souligne en outre que ce système est aujourd’hui mis à mal à cause des tensions géopolitiques, des mesures commerciales unilatérales et de l’érosion des principes fondamentaux de l’OMC4, une référence explicite à la situation actuelle.

En attendant le feuilleton continue. Le 29 août une cour d’appel fédérale américaine juge qu’en l’absence d’une situation d’urgence nationale déclarée, les droits de douane réciproques imposés par le Président américain sont illégaux. Le 3 septembre, Donald Trump décide de porter l’affaire devant la Cour suprême. Son jugement sera-t-il le dernier épisode de la saga ? L’unique certitude c’est que l’augmentation des prix sera supportée, une fois de plus, par les consommateurs.

 

1 v. la définition de « droit de douane » dans L'actu des affaires, p. 120

2 v. « Les organisations internationales » dans L'actu des affaires, p. 140

3 v. « La Géopolitique » dans L'actu des affaires, p. 142

4 Rapport du Secrétaire Général de l’Assemblée générale des Nations Unies du 28 juillet 2025 « Rétablir la prévisibilité pour assurer la prospérité : un système commercial fondé sur des règles et aligné sur les objectifs de développement ».

 


Referenze iconografiche: Ivan Marc/Shutterstock

Annie Renaud

Annie Renaud est auteure de plusieurs livres scolaires. Elle a enseigné pendant de nombreuses années dans un Institut Technique. Elle collabore depuis longtemps avec LANG et L'actu des affaires (Sanoma), destiné aux sections économiques des Instituts techniques et professionnels, est son dernier ouvrage.