Avant de parler du Surréalisme, il faut définir le contexte dans lequel il est né. La Première guerre mondiale, avec ses conséquences dramatiques, a représenté le point de départ pour une nouvelle réflexion sur l’art et ses fins, offrant aux mouvements d’avant-gardes préexistants l’occasion d’évoluer vers de nouvelles expressions artistiques tout au long du XXe siècle. Mais ce que cet article propose aussi c’est d’analyser les implications historiques et politiques exercées sur la culture.
Les tendances nouvelles se manifestent dans celle qu’on appelle la Belle Époque, couvrant les dernières années du XIXe siècle jusqu’à la Première guerre mondiale. C’est le moment du triomphe de la société bourgeoise et capitaliste, de l’industrialisation, de la technique, sans pour autant tenir compte des tensions qui conduiront à la guerre. Tensions que la littérature et l’art en général laissent paraître.
Il n’y a plus de bornes entre les domaines artistiques. Les peintres sont aussi poètes, les musiciens écrivains. L’écrivain s’aventure par le langage dans la recherche du « sens sous les sens »; le peintre rompt avec la tradition figurative et poursuit vers l’informel ; le musicien exalte les nouvelles formes d’écriture atonale contre l’harmonie traditionnelle.
Dans le domaine de l’art se multiplient les courants : Fauvisme (Matisse, Dufy), Primitivisme (Rousseau), Expressionisme (Rouault), Cubisme (Picasso, Braque, Léger), Futurisme (Marinetti), Simultanéisme (Delaunay). En 1918, avec son Manifeste du Dadaïsme, Tristan Tzara (Samuel Rosenstock) affirme la volonté de détruire toute conception traditionnelle de l’art.
Le début du siècle est aussi caractérisé par la confluence, déterminante pour la formation d’une physionomie culturelle européenne, d’idées issues de différents champs du savoir : le dualisme entre raison et intuition d’Henri Bergson, la théorie de la relativité du temps et de l’espace d’Einstein ; la psychanalyse et l’investigation de l’inconscient de Freud ; le marxisme en politique.
En 1924, André Breton (1896-1966), sur les cendres du Dadaïsme, publie son manifeste. Pour le définir, il utilise le style neutre du dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercée par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ».
Mais comment y arriver ? En utilisant la découverte freudienne du rêve « une partie du monde intellectuel […] dont on affectait de ne plus se soucier », la vraie vie de l’esprit en liberté. Pour la réaliser Breton propose un inventaire de techniques, de l’écriture automatique, aux sommeils hypnotiques, aux jeux de langage.
Breton reconnaît devoir le mot « surréalisme » à Apollinaire, qui en 1916 avait écrit : « Tout bien examiné, je crois en effet qu’il vaut mieux adopter surréalisme que surnaturalisme, que j’avais d’abord employé ».
Du domaine littéraire le mouvement s’étend rapidement à la peinture, à la sculpture, à la photographie, au cinéma. Parmi les adhérents, Louis Aragon, Paul Éluard, Max Ernst, Jean Miró, Man Ray, Salvador Dalí, Marcel Duchamp, Jean Hans Arp, René Magritte, Alberto Giacometti.
L’élément idéologique auquel le surréalisme est lié est la Révolution soviétique de 1917. Le bolchevisme semble interpréter l’élan révolutionnaire aussi bien du Dadaïsme que du Surréalisme. La plupart de ces artistes, de Tzara à Breton, à Éluard, à Aragon, s’inscrivent au Parti Communiste français. Breton y voit la possible conciliation entre marxisme et freudisme au service du prolétariat. Mais bientôt la censure imposée par le parti, aux ordres de Moscou, le pousse à la rupture même avec ses anciens camarades, Aragon, Tzara, Éluard. Le déclin du mouvement commence à la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’aux années soixante. Mais à cent ans de sa naissance son influence sur les arts est encore très forte.
Referenze iconografiche: Archives Charmet / Bridgeman Images