L’Italie a toujours été, au cours des siècles, et pour des raisons évidentes, la destination préférée des étrangers. À partir du XVIIe siècle se répand l’habitude du Grand Tour, un long voyage, qui pouvait durer de quelques mois à plusieurs années, que les jeunes aristocrates européens entreprenaient afin de perfectionner leurs connaissances.
Pour ce qui concerne la France, le Grand Tour s’inscrit dans un changement radical du système d’enseignement des arts et des sciences, suite à la fondation de l’Académie française par le Cardinal Richelieu en 1635 et en 1647 de l’Académie de peinture et sculpture, par Mazarin. Le voyage en Italie devient donc un programme d’état. L’institution de l’Académie de France à Rome en 1666 témoigne de l’importance que l’Italie revêt en tant que source principale d’un parcours de connaissance et de formation.
Si avant le XIXe siècle les impressions, les réactions étaient consignées dans des carnets de voyage ou des journaux intimes, très souvent inédits ou publiés à titre posthume1, c’est au XIXe siècle que le récit de voyage devient un genre littéraire, où les impressions reçues sont l’occasion d’une réflexion sur soi, où la visite des sites se mêle aux rêveries personnelles.
Mais, sous l’influence du réalisme et du naturalisme, on relève une autre approche, plus intéressée par les aspects sociaux et politiques relevant de l’actualité d’un pays qui a finalement acquis son unité, mais aussi des problèmes qui en découlent. Ce sont de véritables reportages.
Ci-dessous l’opinion du prof. Giovanni Dotoli2 résumée en trois points. Êtes–vous d’accord ? Discutez-en et proposez d’autres points de vue.
- Le jardin d’Italie, c’est d’abord un lieu de l’imaginaire de l’art parfait. Une sorte d’Eden. Un mythe. Un retour aux origines, au primordial, un paradis perdu. Une nostalgie. Un âge d’or. Ce n’est pas tant une réalité qu’un rêve…
- Les voyageurs sont évidemment frappés par la lumière, le soleil, et leur manière d’écrire s’en trouve fortement modifiée l’écriture des voyageurs français se présente « comme peinture, entre ombres et lumière, jour et nuit ».
- Ils découvrent surtout un art de vivre. Un autre rapport au temps. La fête. Un cadre pour le mélodrame amoureux. Un autre rapport à la religion aussi. Une autre manière de s’exprimer en gesticulant. Et la gastronomie !
Comment les écrivains français voient l’Italie
Les extraits ci-dessous, sans prétendre épuiser le sujet, présentent une variété de points de vue qui entend dépasser le cliché du “Bel Paese”. C’est ce qui ressort du morceau de Charles Victor de Bonstetten, que le “naturaliste” Zola applique en posant son œil critique sur des aspects souvent négligés par les voyageurs qui visitent la très belle ville de Gênes.Gênes pour Zola10
« Gênes et Aix, les souvenirs qui me reviennent. Beaucoup de grandeur, mais éparse et triste. L’horreur nauséabonde des vieux quartiers. Les linges tendus aux fenêtres, une corde éloignée du mur par un bâton. Des lessives entières, des draps longs qui pendent, des chemises, des linges blancs, puis le bariolage du linge de couleur. L’odeur faite d’huile rance et de misère ».
- Montesquieu sur le Pincio à Rome3
« Quand j’arrive dans une ville, je vais toujours sur le plus haut clocher ou la plus haute tour pour voir le tout ensemble avant de voir les parties ; et en la quittant je fais de même pour fixer les idées ».
- Charles-Victor de Bonstetten4
« Pour bien voir l'Italie et pour connaître les Italiens, il faudrait sortir quelquefois de ces routes battues, rechercher les sociétés qui ne voient pas les étrangers, parcourir toutes les classes d'hommes, et s'arrêter dans les petites villes ».
- Naples pour Lamartine5
« Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage
Où Naples réfléchit dans une mer d'azur
Ses palais, ses coteaux, ses astres sans nuage,
Où l'oranger fleurit sous un ciel toujours pur.
Que tardez-vous ? Partons ! Je veux revoir encore
Le Vésuve enflammé sortant du sein des eaux ».
- Stendhal, le plus milanais des Français6
« Cette ville devint pour moi le plus beau lieu de la terre. Je ne sens pas du tout le charme de ma patrie; j’ai, pour le lieu où je suis né, une répugnance qui va jusqu’au dégoût physique. Milan a été pour moi, de 1800 à 1821, le lieu où j’ai constamment désiré habiter. J’y ai passé quelques mois de 1800 ; ce fut le plus beau temps de ma vie. J’y revins tant que je pus en 1801 et 1802, étant en garnison à Brescia et à Bergame, et enfin, j’y ai habité par choix de 1815 à 1821 ».
- Stendhal à Florence7
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber ».
- Naples pour Alexandre Dumas père8
« Or, Naples, à part ses environs, se compose de trois rues où l'on va toujours, et de cinq cents rues où l'on ne va jamais. Ces trois rues se nomment la rue de Chiaja, la rue de Tolède et la rue de Forcella.
Les cinq cents autres rues n'ont pas de nom. C'est l'oeuvre de Dédale ; c'est le labyrinthe de Crète ».
- La Sicile de Maupassant9
« On est convaincu, en France, que la Sicile est un pays sauvage, difficile et même dangereux à visiter. De temps en temps, un voyageur qui passe pour un audacieux, s'aventure jusqu'à Palerme, et il revient en déclarant que c'est une ville très intéressante. Et voilà tout. En quoi Palerme et la Sicile tout entière sont-elles intéressantes ? On ne le sait pas au juste chez nous. A la vérité, il n'y a là qu'une question de mode. Cette île, perle de la Méditerranée, n'est point au nombre des contrées qu'il est d'usage de parcourir, qu'il est de bon goût de connaître, qui font partie, comme l'Italie, de l'éducation d'un homme bien élevé. […] On sait combien est fertile et mouvementée cette terre, qui fut appelée le grenier de l'Italie, que tous les peuples envahirent et possédèrent l'un après l'autre, tant fut violente leur envie de la posséder, qui fit se battre et mourir tant d'hommes, comme une belle fille ardemment désirée ».
- Gênes pour Zola10
« Gênes et Aix, les souvenirs qui me reviennent. Beaucoup de grandeur, mais éparse et triste. L’horreur nauséabonde des vieux quartiers. Les linges tendus aux fenêtres, une corde éloignée du mur par un bâton. Des lessives entières, des draps longs qui pendent, des chemises, des linges blancs, puis le bariolage du linge de couleur. L’odeur faite d’huile rance et de misère ».
- Marcel Proust à Venise11
« Le soir, je sortais seul, au milieu de la ville enchantée […] Il était bien rare que je ne découvrisse pas au hasard de mes promenades quelque place inconnue et spacieuse dont aucun guide, aucun voyageur ne m’avait parlé.
Je m’étais engagé dans un réseau de petites ruelles, de calli divisant en tous sens, de leurs rainures, le morceau de Venise découpé entre un canal et la lagune […] Tout à coup, au bout d’une de ces petites rues, il semblait que dans la matière cristallisée se fût produite une distension. Un vaste et somptueux campo à qui je n’eusse assurément pas, dans ce réseau de petites rues, pu deviner cette importance, ni même trouver une place, s’étendait devant moi entouré de charmants palais pâles de clair de lune. C’était un de ces ensembles architecturaux vers lesquels, dans une autre ville, les rues se dirigent, vous conduisent et le désignent ».
Referenze iconografiche: Shutterstock / muratart, Shutterstock / Vivida Photo PC, Wikipedia CC